
Qu’est-ce que le report à nouveau ?
Le report à nouveau (RAN) représente la part du bénéfice d’un exercice non distribuée ni mise en réserve lors de l’assemblée générale qui approuve les comptes. Ce montant est « reporté » sur l’exercice suivant. En d’autres termes, après l’affectation du résultat en fin d’exercice (dividendes, réserves obligatoires ou facultatives), le solde restant est affecté en report à nouveau. Ce RAN peut être bénéficiaire (si l’entreprise a des bénéfices non distribués) ou déficitaire (si des pertes restent à absorber).
Selon le Code de commerce, le bénéfice distribuable d’un exercice comprend le bénéfice de l’exercice en cours, diminué des pertes antérieures et des dotations obligatoires aux réserves, et augmenté du report bénéficiaire des exercices précédents. En clair, le report à nouveau bénéficiaire est un bénéfice non distribué qui reste dans les capitaux propres de l’entreprise et vient s’ajouter aux profits de l’exercice suivant pour d’éventuelles distributions futures. Il s’agit d’une réserve de bénéfices non affectée à une destination spécifique lors de l’exercice écoulé. Contactez notre cabinet d’expert comptable parisien pour en savoir plus.
Exemple : Une PME réalise un bénéfice net de 50 000 €. L’assemblée générale annuelle (AGOA) décide de distribuer 30 000 € en dividendes et de mettre 5 000 € en réserve légale. Le reste, soit 15 000 €, est affecté en report à nouveau. Ce montant figurera au bilan de l’année suivante comme bénéfice reporté, pouvant être utilisé ultérieurement selon les règles en vigueur.
Distribution du report à nouveau : les pratiques avant l’arrêt de la cour de cassation
Avant 2025, de nombreuses entreprises considéraient qu’elles pouvaient distribuer des dividendes exceptionnels en cours d’exercice en prélevant sur les réserves ou sur le report à nouveau. En l’absence de texte interdisant explicitement cette pratique, la doctrine et les instances professionnelles l’admettaient largement. Par exemple, des organismes de référence tels que la Compagnie Nationale des Commissaires aux Comptes (CNCC) ou l’Association Nationale des Sociétés par Actions (ANSA) ont soutenu qu’une assemblée générale ordinaire, même hors du cadre de l’AG annuelle, pouvait décider librement de distribuer des réserves ou un report à nouveau disponible. Cette interprétation libérale était répandue, et de nombreuses sociétés procédaient à des distributions exceptionnelles de dividendes en milieu d’exercice (par exemple après un événement particulier ou une cession d’actifs), en utilisant les bénéfices mis en réserves libres ou en report à nouveau des années antérieures.
Cependant, cette pratique n’était pas formellement sécurisée par la loi. En 2022, un premier coup de semonce intervient : le Tribunal de commerce de Paris, dans un jugement du 23 septembre 2022, a estimé qu’une distribution de réserves hors AG annuelle pouvait constituer un « dividende fictif » contraire aux règles légales. Cette décision de première instance, bien qu’isolée, a semé le doute sur la légalité de ces distributions anticipées. Elle suggérait qu’en dehors de l’AG d’approbation des comptes, les associés ne pouvaient plus décider librement de distribuer des sommes prélevées sur les réserves ou le report à nouveau, sauf à suivre la procédure stricte des acomptes sur dividendes.
En pratique pourtant, jusqu’à début 2025, beaucoup de dirigeants de PME/TPE ont continué à convoquer des assemblées générales extraordinaires en cours d’année pour verser des « dividendes exceptionnels » en puisant dans le report à nouveau ou les réserves libres. Cette flexibilité permettait par exemple de rémunérer les associés sans attendre la clôture de l’exercice suivant, notamment lorsque la trésorerie était excédentaire. L’arrêt de la Cour de cassation de février 2025 est venu bouleverser cette approche, en clarifiant de façon ferme les conditions de distribution du report à nouveau.
L’arrêt de la Cour de cassation du 12 février 2025 : contenu et portée
Le 12 février 2025, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a rendu un arrêt important (n° 23‑11.410) qui tranche la question de la distribution anticipée du report à nouveau. La Haute Juridiction a jugé que le report bénéficiaire d’un exercice fait impérativement partie du bénéfice distribuable de l’exercice suivant, et que seule l’assemblée générale approuvant les comptes de cet exercice suivant peut décider de son affectation, et le cas échéant de sa distribution. En conséquence, toute décision de distribuer un dividende prélevé sur le report à nouveau en dehors de l’AG ayant approuvé les comptes est nulle de plein droit.
En termes simples, cela signifie qu’après avoir clôturé un exercice et mis des bénéfices en report à nouveau, il est interdit de distribuer ces sommes lors d’une assemblée ultérieure avant l’approbation des comptes de l’exercice suivant. La Cour de cassation a ainsi fermé la porte à la pratique qui consistait à voter, quelques mois après l’AG annuelle, une distribution en puisant dans le report à nouveau disponible. Cette décision s’appuie sur des articles impératifs du Code de commerce (articles L.232-11 et L.232-12) et vise à garantir que les distributions de dividendes respectent le cycle annuel d’approbation des comptes.
Pour illustrer le contexte de cet arrêt : l’affaire portait sur une SAS dont l’AGOA d’avril 2017 avait approuvé les comptes de 2016 en affectant le bénéfice en report à nouveau, puis une assemblée du 3 juillet 2017 avait décidé de distribuer un dividende en prélevant sur ce report à nouveau avant l’approbation des comptes 2017. La Cour de cassation a jugé une telle décision contraire aux règles légales, confirmant que l’AG du 3 juillet 2017 aurait dû être annulée. Désormais, la règle est claire : une assemblée générale autre que l’AGOA ne peut pas distribuer le report à nouveau, sous peine de nullité.
Portée de la décision
L’arrêt de février 2025, de portée générale, s’impose à toutes les sociétés commerciales (SARL, SAS, SA…). Il marque un rappel à l’ordre : même si le report à nouveau est un bénéfice « disponible » figurant aux capitaux propres, il ne peut plus être considéré comme librement distribuable à n’importe quel moment. Il doit patienter jusqu’à l’assemblée d’approbation de l’exercice suivant.
Cette décision de la Cour de cassation unifie la jurisprudence. Elle met fin à l’incertitude qui subsistait après des décisions contradictoires (certaines cours d’appel ayant pu valider des distributions anticipées, alors que d’autres les condamnaient). Dorénavant, la sécurité juridique prime : un dirigeant qui distribuerait malgré tout un report à nouveau hors AG annuelle s’expose à la nullité de la décision et aux sanctions afférentes.
Il est à noter que la Cour de cassation a ciblé spécifiquement le report à nouveau. En ce qui concerne les réserves facultatives (sommes mises en réserve libre lors de l’affectation du résultat), la pratique antérieure consistant à les distribuer en cours d’année reste possible sous conditions. En effet, la jurisprudence continue d’admettre qu’une assemblée générale ordinaire, même convoquée en dehors de l’AGOA, peut décider de distribuer des réserves disponibles constituées lors d’exercices antérieurs. En revanche, pour les sommes en report à nouveau, l’arrêt de 2025 impose d’attendre l’AGOA suivante. Cette distinction incite les entreprises à être vigilantes sur la façon dont elles affectent leurs résultats (réserve libre vs report à nouveau).
Ce qui change désormais pour les entreprises
Avec cette décision, les règles de distribution de dividendes se durcissent sur un point précis. Concrètement, il n’est plus possible de verser de dividende en cours d’exercice en utilisant le report à nouveau provenant d’un exercice précédent, sauf à respecter des modalités très encadrées (que nous verrons plus loin). Les entreprises TPE/PME doivent donc adapter leurs pratiques :
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Planification des distributions : Désormais, les actionnaires/associés devront planifier les distributions essentiellement lors de l’AG d’approbation des comptes. S’ils souhaitent percevoir des dividendes sur le bénéfice d’une année N, ils devront soit le voter lors de l’AGOA suivant la clôture de N, soit attendre l’AGOA de l’exercice N+1 pour distribuer ce bénéfice s’il a été mis en report à nouveau entre-temps. Il n’est plus possible de « se raviser » quelques mois après l’AG pour finalement distribuer le report à nouveau de N avant la clôture de N+1.
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Fin des distributions anticipées sur RAN : Toutes les pratiques consistant à convoquer une assemblée générale intermédiaire (par exemple en milieu d’année) pour distribuer des dividendes pris sur le report à nouveau doivent cesser. Une telle délibération serait désormais irrégulière et contestable. Les dirigeants qui y procèderaient tout de même prennent le risque qu’un associé minoritaire, un commissaire aux comptes ou toute partie prenante en demande l’annulation en justice.
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Sécurité juridique renforcée : Bien que cela puisse contraindre la flexibilité financière de certaines entreprises, l’arrêt apporte une clarification bienvenue. Il permet d’éviter les abus ou erreurs qui pourraient être reprochés aux dirigeants. Dorénavant, le cadre est clair et identique pour tous : le report à nouveau ne se distribue qu’à l’AGOA suivante. Les entreprises vont donc aligner leurs procédures internes sur ce schéma pour éviter tout faux pas légal.
En synthèse, les dirigeants doivent intégrer que le report à nouveau = dividende distribuable seulement à l’AG annuelle suivante. Cela change la donne par rapport à la liberté qu’ils pensaient avoir auparavant. Mais tout n’est pas figé : il existe des modalités juridiques pour contourner l’attente, sans enfreindre la règle. Nous les détaillons ci-dessous.
Comment rendre à nouveau distribuable le RAN : quelles solutions légales ?
Face à cette impossibilité de distribuer le report à nouveau avant l’AGOA suivante, les entreprises disposent de quelques leviers juridiques pour dégager des dividendes plus rapidement, tout en restant dans le cadre légal. Voici les options et bonnes pratiques à connaître :
1. Attendre l’AGOA suivante (la voie classique)
C’est la solution la plus simple et sûre juridiquement : patienter jusqu’à l’assemblée générale ordinaire annuelle suivante pour décider du sort du report à nouveau. Lors de cette AGOA, qui approuve les comptes de l’exercice N+1, le report à nouveau bénéficiaire de N sera inclus dans le bénéfice distribuable de N+1. À ce moment, les associés pourront décider soit de le distribuer en dividendes, soit de le réaffecter (le conserver en RAN à nouveau, ou le mettre en réserve, etc.). Cette approche impose d’attendre la fin de l’exercice suivant, ce qui peut représenter un décalage pouvant aller jusqu’à 6 à 18 mois selon la date de clôture et de tenue de l’AG. C’est donc un délai à anticiper.
Bonnes pratiques : Si les associés souhaitent dès le départ toucher une partie importante du bénéfice, il est recommandé de ne pas tout mettre en report à nouveau lors de l’affectation du résultat. Mieux vaut envisager, dès l’AGOA de clôture de l’exercice bénéficiaire, une distribution immédiate (dividende) plus conséquente ou une affectation en réserve (voir point suivant) pour ne pas « geler » inutilement des sommes en RAN. En somme, planifiez en amont la part de bénéfice à distribuer tout de suite et celle à conserver pour plus tard.
2. Affecter le RAN en réserve libre pour plus de flexibilité
Une stratégie consiste à éviter d’avoir un report à nouveau inutilisable en transformant ce dernier en réserve distribuable. Comment ? Lors de l’AG d’affectation du résultat, au lieu de laisser le surplus non distribué en report à nouveau, les associés peuvent décider de l’affecter à une réserve facultative (aussi appelée réserve libre ou réserve statutaire si prévue par les statuts).
Avantage : Les réserves disponibles ainsi constituées peuvent ensuite être distribuées aux actionnaires par une décision d’assemblée générale ordinaire ultérieure, sans devoir attendre l’AGOA suivante. En effet, le Code de commerce autorise explicitement l’AG à prélever sur les réserves libres pour distribuer des dividendes, à condition de l’indiquer précisément et de respecter les priorités (on distribuera d’abord le bénéfice de l’exercice en cours s’il y en a). Cette faculté a été confirmée récemment : il demeure licite de distribuer en cours d’exercice des dividendes prélevés sur des réserves disponibles préalablement constituées. Autrement dit, si l’entreprise avait mis ces bénéfices en réserve libre (et non en RAN), elle aurait pu les distribuer lors d’une AG ordinaire convoquée spécialement, car ils ne sont plus considérés comme du report à nouveau verrouillé par la règle de l’AG annuelle.
Attention : Pour que cette approche soit valide, il faut que la réserve utilisée soit bien une réserve disponible. On ne peut jamais distribuer les réserves non distribuables (par exemple la réserve légale non entièrement dotée, ou certaines réserves réglementées). De plus, la société doit vérifier qu’après prélèvement, ses capitaux propres restent supérieurs au capital social (sinon, interdiction de distribuer, car ce serait entamer les fonds propres de sécurité). Il faut donc procéder à un calcul prudentiel avant de voter la distribution d’une réserve. Enfin, mentionnons que la jurisprudence récente a fait la distinction entre réserves et RAN : les réserves libres conservent une relative liberté de distribution hors AGOA, mais il n’est pas impossible que le législateur ou de futurs arrêts encadrent davantage cette pratique. Il est donc conseillé d’agir avec l’avis d’un professionnel pour sécuriser l’opération.
Bonnes pratiques : Constituez des réserves facultatives lors de l’affectation du résultat si vous anticipez un besoin de distribuer des dividendes avant la prochaine AG annuelle. Cette simple décision comptable vous donne plus de latitude ensuite. Pensez à bien documenter la décision (procès-verbal d’AG mentionnant la réserve créée et son montant). Et si vous décidez plus tard de distribuer cette réserve en cours d’année, convoquez une AG ordinaire en bonne et due forme, précisez la source (quelle réserve est prélevée), et faites vérifier vos comptes intermédiaires par un expert-comptable ou commissaire aux comptes si nécessaire pour rassurer tout le monde.
3. Distribuer un acompte sur dividende en cours d’exercice
La troisième voie pour éviter d’attendre l’AGOA est de recourir aux acomptes sur dividendes. Cette procédure légale permet de verser aux actionnaires une partie des dividendes avant la clôture de l’exercice en cours, sous forme d’acomptes, qui seront ensuite imputés sur le dividende final décidé à l’AGOA.
Conditions strictes : L’acompte sur dividende est très encadré par l’article L.232-12 du Code de commerce. Pour en verser, il faut :
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Que les statuts de la société autorisent le versement d’acomptes (c’est souvent prévu dans les SA/SAS, plus rare en SARL). En général, c’est le dirigeant (gérant ou conseil d’administration) qui décide le versement de l’acompte, pas besoin de convoquer les associés pour cela, sauf disposition contraire.
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Qu’un bilan intermédiaire soit établi en cours d’exercice (par exemple à la fin du 6ème mois, ou à la date souhaitée) et arrêté par le dirigeant. Ce bilan doit faire ressortir un bénéfice distribuable depuis la clôture de l’exercice précédent, après calcul des amortissements/provisions, déduction des pertes antérieures éventuelles, des réserves obligatoires, et en tenant compte du report à nouveau. Autrement dit, on simule la situation financière partielle de l’entreprise.
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Que ce bilan intermédiaire soit certifié par le commissaire aux comptes (CAC) de la société, s’il y en a un. L’intervention du CAC assure que les chiffres sont sincères et que le bénéfice intermédiaire est réel. Si la société n’a pas de CAC (petites structures), il est fortement recommandé de faire vérifier le bilan par un expert-comptable indépendant pour plus de sécurité.
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Le montant cumulé des acomptes distribués ne peut pas dépasser le montant du bénéfice constaté sur ce bilan intermédiaire. En pratique, on conserve une marge de prudence et on ne distribue pas 100% du bénéfice intermédiaire, pour éviter de se retrouver en difficulté lors de l’arrêté définitif des comptes.
Si ces conditions sont réunies, l’entreprise peut alors verser un acompte, par exemple en cours d’année, à valoir sur le dividende de l’exercice. Ce mécanisme permet de rémunérer plus tôt les actionnaires, sans enfreindre la loi. L’arrêt de la Cour de cassation ne remet absolument pas en cause les acomptes sur dividendes, au contraire il les érige en unique exception valable pour distribuer des sommes avant l’approbation des comptes. D’ailleurs, la Cour souligne qu’en dehors de l’AGOA, la seule procédure permettant une distribution est celle de l’acompte sur dividende avec bilan intermédiaire.
Bonnes pratiques : Si vous anticipez un résultat bénéficiaire sur l’exercice en cours et que vous souhaitez en distribuer une partie sans attendre l’AGOA, envisagez de verser un acompte sur dividende après, par exemple, les six premiers mois. Assurez-vous de respecter scrupuleusement la procédure : faites établir un bilan intermédiaire de qualité, impliquant votre service comptable ou expert-comptable, et faites-le certifier. Documentez la décision de versement (procès-verbal du conseil d’administration ou décision du président, selon la forme de la société). Veillez aussi à informer clairement les actionnaires qu’il s’agit d’un acompte : le solde du dividende sera ajusté à l’AG finale. Cette transparence évite toute confusion. Enfin, gardez à l’esprit qu’un acompte sur dividende est une avance : si finalement les comptes de fin d’année montrent un bénéfice insuffisant (ou pire, une perte), les associés pourraient devoir restituer l’acompte perçu car on ne peut pas distribuer plus que le bénéfice distribuable définitif. D’où l’importance de la prudence dans le montant versé en avance.
4. Cas particulier : exercice court ou décalage d’AG
Outre les solutions ci-dessus, notons brièvement deux autres leviers moins courants :
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Clôturer un exercice anticipé : Une société peut décider exceptionnellement de clôturer ses comptes de manière anticipée (par exemple décider que l’exercice en cours sera clos en milieu d’année). Cela aboutit à tenir une AGOA plus tôt et donc à pouvoir distribuer le bénéfice (y compris le RAN reporté) plus rapidement. C’est une manœuvre exceptionnelle et lourde de conséquences administratives et fiscales, à réserver à des situations particulières.
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Reporter la date de l’AGOA : À l’inverse, si l’on souhaite finalement distribuer le report à nouveau de l’année précédente sans trop attendre, une entreprise peut choisir de tenir son AGOA un peu plus tard dans l’année (tout en respectant les délais légaux maximaux, généralement 6 mois après la clôture). Par exemple, au lieu de la tenir en avril, la convoquer en juin. Cela ne change pas la règle juridique, mais dans les faits les associés patientent un peu moins entre la clôture et la décision de distribution. Ce n’est qu’un ajustement de calendrier, utile pour coller aux besoins de trésorerie des associés.
Bonnes pratiques à adopter pour les dirigeants
Devant ces évolutions, les dirigeants de TPE/PME ont tout intérêt à adapter leur gouvernance et la gestion financière de leur société. Voici quelques recommandations pratiques :
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Anticiper lors de l’affectation du résultat : La décision de mettre une somme en report à nouveau ne doit pas être prise à la légère. Interrogez-vous en amont sur l’utilisation potentielle de ces bénéfices. Si vous pensez en avoir besoin pour des distributions futures proches, préférez l’affectation en réserve libre. Ne laissez en RAN que les montants dont vous n’avez pas un projet défini à court terme. Cette prévision évitera d’avoir des fonds « bloqués » jusqu’à l’exercice suivant.
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Se former et informer les associés : Assurez-vous de bien comprendre (et d’expliquer à vos actionnaires) la nouvelle règle. Certains associés pouvaient être habitués à toucher des dividendes exceptionnels en cours d’année ; ils doivent savoir que ce n’est plus possible sur le RAN. Communiquez clairement lors de l’AG annuelle sur ce qui est décidé pour le surplus de bénéfice : « si nous laissons ce montant en report à nouveau, il ne pourra pas vous être distribué avant au minimum la prochaine AG d’approbation l’an prochain ». Une bonne information évite les mécontentements ou pressions intempestives plus tard.
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Respecter scrupuleusement les formalités : Si vous optez pour un acompte sur dividende ou une distribution de réserve en cours d’exercice, soyez exemplaire dans le respect des conditions légales. Cela signifie : bilan intermédiaire fiable, certification par un CAC le cas échéant, convocations d’assemblées dans les formes et délais, mention précise des comptes de réserve utilisés, etc. Cette rigueur protégera la décision de toute contestation ultérieure.
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Documenter chaque décision : Tenez à jour les procès-verbaux d’assemblées générales ou de décisions de l’associé unique. La traçabilité des décisions de distribution est capitale. En cas de contrôle fiscal, légal ou d’audit, vous pourrez justifier que chaque distribution a été réalisée conformément à la loi (par exemple, montrer le PV de l’AGOA pour une distribution de RAN, ou le PV de décision de versement d’un acompte avec le bilan intermédiaire en annexe).
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Consulter un expert en cas de doute : La fiscalité et le droit des sociétés évoluent. Si vous avez un doute sur la possibilité de verser un dividende à un moment donné, n’hésitez pas à consulter votre expert-comptable ou juriste. Par exemple, pour valider qu’une distribution exceptionnelle de réserve ne compromet pas l’équilibre financier de votre société, ou pour vérifier qu’un acompte sur dividende est opportun. Un conseil professionnel rapide peut vous éviter une erreur coûteuse.
En appliquant ces bonnes pratiques, les dirigeants pourront concilier le respect de la réglementation avec les attentes légitimes des associés en matière de rémunération du capital. La clé est d’intégrer dès la clôture des comptes la stratégie de distribution, et de suivre un cheminement encadré si l’on veut distribuer en dehors du calendrier habituel.
Conséquences en cas de non-respect de la règle
Les dirigeants doivent être conscients que ne pas respecter cette interdiction de distribution anticipée du report à nouveau peut entraîner de sérieuses conséquences juridiques et financières. En synthèse :
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Nullité de la décision : Toute résolution d’assemblée qui violerait la règle (par exemple, une AG exceptionnelle décidant de verser un dividende sur la base du RAN sans attendre l’AGOA suivante) est frappée de nullité. Cela signifie qu’elle peut être annulée par le tribunal, que ce soit à la demande d’un associé mécontent, du commissaire aux comptes, ou même ultérieurement par un liquidateur en cas de défaillance de l’entreprise. La nullité rend la décision juridiquement inexistante.
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Remboursement des dividendes indus : Si la décision est annulée, les dividendes versés deviennent indus. Les actionnaires ayant perçu ces sommes pourraient être tenus de les restituer à la société. Cela peut créer des tensions, voire mettre en difficulté financière des associés qui auraient déjà dépensé ces montants. Mieux vaut donc éviter d’en arriver là en respectant dès le départ la procédure.
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Notion de « dividende fictif » et sanctions : Le Code de commerce stipule qu’un dividende distribué en violation des règles légales est un dividende fictif. Distribuer un dividende fictif est lourd de conséquences : c’est une infraction qui engage la responsabilité civile et potentiellement pénale des dirigeants. En cas de faillite ultérieure de la société, un dirigeant qui a versé des dividendes fictifs pourrait être poursuivi pour faute de gestion, et le tribunal pourrait le condamner à combler le passif social sur ses fonds propres (c’est déjà arrivé dans des affaires de distribution abusive de dividendes). Dans les cas extrêmes, le droit pénal des sociétés (par ex. article L.241-3 du Code de commerce pour les SARL, L.242-6 pour les SA) prévoit des sanctions pouvant aller jusqu’à des amendes significatives et des peines d’emprisonnement en cas de distribution de dividendes fictifs avérée.
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Image et climat interne : Au-delà des aspects purement légaux, ne pas respecter les règles de distribution peut entacher la relation de confiance entre dirigeants, associés et partenaires financiers. Un commissaire aux comptes qui découvrirait une distribution irrégulière se verrait dans l’obligation de la signaler et d’émettre des réserves. Les banques ou investisseurs, apprenant qu’une société a outrepassé la loi pour rémunérer ses actionnaires, pourraient y voir un signe de gouvernance défaillante. Il est donc dans l’intérêt du dirigeant de préserver une gouvernance exemplaire, gage de sérieux.
En résumé, les risques l’emportent largement sur les bénéfices d’une distribution anticipée illicite. Le jeu n’en vaut pas la chandelle : mieux vaut suivre les voies légales de distribution (AGOA, réserves disponibles, acomptes sur dividendes) que de s’exposer à ces conséquences négatives.
En résumé: un cadre strict, mais des solutions existent
La jurisprudence de février 2025 a renforcé le cadre légal autour du report à nouveau et de la distribution des dividendes. Désormais, les dirigeants doivent intégrer dès la clôture des comptes que tout bénéfice laissé en report à nouveau ne pourra être distribué qu’à l’AG de l’exercice suivant, point final. Cette contrainte oblige à plus de planification et de transparence dans l’affectation du résultat. Néanmoins, comme nous l’avons vu, des stratégies légales permettent de rémunérer les actionnaires plus tôt : utilisation judicieuse des réserves libres, versement d’acomptes sur dividendes avec bilan intermédiaire, etc. En respectant ces modalités et en adoptant les bonnes pratiques décrites, une entreprise peut allier sécurité juridique et flexibilité financière.
En cas de doute, ou pour mettre en place ces solutions de manière optimale, il est fortement conseillé de vous faire accompagner par des professionnels. Contactez BM Fiduciaire pour un accompagnement personnalisé dans la gestion de vos résultats et dividendes. Nos experts en comptabilité et en droit des affaires vous aideront à naviguer dans ce cadre réglementaire strict, afin de sécuriser vos décisions de distribution tout en satisfaisant au mieux les intérêts de votre entreprise et de vos associés. Votre sérénité et la conformité de vos opérations sont à ce prix : n’hésitez pas à solliciter un expert BM Fiduciaire pour allier pédagogie, conseil et pragmatisme au service de vos projets de distribution de dividendes.
